Tanganyika : Epargner pour la transformation des familles victimes des conflits interethniques
Par Tatiana Ballay, Chargée des communications de World Vision RDC
L’histoire de ces femmes, c’est l’histoire de la résilience. Ces femmes sont toutes des bénéficiaires d’un projet mis en œuvre par World Vision avec le soutien de Aktion Deutschland Hilft (ADH) dans le village de Sango Malumbi dans territoire de Kalemie, à 20 Km de la ville de Kalemie dans la province du Tanganyika en République Démocratique du Congo.
Reconstruire une vie loin de chez soi
A cause de conflit dans le territoire de Kalemie, des milliers de personnes ont fui leur maison en quête de sécurité. [1]Entre juillet 2016 et mars 2017, les autorités ont dénombré la destruction de plus de 400 villages, des centaines de morts ou blessés, et le viol de plus de 200 femmes.
“En 2016, nous avons fui le conflit entre les Twa et les Bantous. Vu que nous sommes Bantou, ma famille et moi, nous nous sommes réfugiés à Kalemie pendant deux ans. A notre retour au village, nous avons repris nos terres et désherber les espaces. C’était un travail difficile, mais nous ne ressentions pas la douleur. Le plus dur à vivre est venu bien après. Nous ne savions pas comment nourrir nos familles, nous étions des retournés, c'est ainsi que nous sommes appelés parfois.” se rappelle Clotilde, habitante du village.
C’est en 2019, après un retour au calme que les familles bantoues de SANGO MALUMBI ont pu regagner leurs domiciles. Face aux difficultés d’accès à l’eau potable et les ressources nécessaires à la survie de ces familles, World Vision a lancé en 2023 un projet d’appui multisectoriel dans le village de Sango Malumbi.
Le projet ADH vient répondre au problème d'accès à l'eau potable pour diminuer les maladies d'origine hydrique dans le milieu rural, faciliter la réinsertion socio-économique et contribuer à l'amélioration de la sécurité alimentaire grâce au cash direct afin de promouvoir la culture d'épargne dans la communauté.
Pour y parvenir, World Vision apporte son soutien à 156 familles avec 936 enfants. L’organisation fournit les moyens de subsistance notamment des intrants agricoles et implémente l’approche Saving for Transformation (S4T).
Des défis et des succès
Deux groupes d'épargne dont le groupe de Clotilde appelé Umoja ni nguvu ont été créés depuis septembre 2023. Chaque groupe compte 50 membres. L’objectif de ces groupes est d’assurer un accès à des solutions simples d’épargne et de crédit au sein des communautés qui n’ont pas accès aux services financiers formels, comme celle du village de Sango Malumbi.
“Depuis que World Vision a commencé l’implémentation du projet ADH à travers lequel nous avons été formées et dotées de matériels nécessaires pour les groupes d'épargne, les membres de groupes ont commencé à épargner. Les femmes qui effectuent les travaux ménagers ont bénéficié de crédit dans le groupe et se sont procuré des semences pour faire les champs et améliorer ainsi leurs conditions de vie après avoir récolté et vendu une partie de la recolte” rapporte Guillaume Ngumbi sengi , Project officer de World Vision RDC
Le groupe d'épargne Umoja ni nguvu, a déjà épargné 1.249.000 francs congolais (452 USD).
Mukeni, agée de 50 ans, est mère de 5 enfants. Auparavant, elle possédait des terres arables et du bétail. Elle vendait également une partie de ses récoltes, ce qui lui donnait assez de revenus pour vivre. Mais lorsque le conflit a éclaté en 2016, Mukeni et sa famille ont dû fuir et à leur retour ils avaient tout perdu. En 2023, Mukeni a pu bénéficier de l’aide World Vision à travers une formation sur l'épargne et et elle a reçu a des intrants agricoles. Elle a emprunté40.000 francs congolais (14 Usd) dans son groupe d'épargne. Ceci lui a permis de relancer ses champs où elle cultive désormais de l’arachide, le manioc et les légumes comme complément de ration alimentaire pour elle et sa famille.
“ C'était très difficile de repartir de zéro mais grâce à l’appui de World Vision j’ai pu diversifier mes récoltes, j’ai même pu replanter des arachides, c’est merveilleux. Et maintenant, grace au groupe d’épargne nous économisons ensemble le peu que nous avons et nous pouvons même emprunter. Je ne pensais que cela était possible pour des personnes avec nos conditions de vie si rude”, raconte Mukeni
[2]En juillet 2017, les violences au Tanganyika avaient résulté en un déplacement de plus de 557 000 personnes selon le Bureau de la Coordination humanitaire de l’ONU, soit plus de 22 % de la population de la province.