Cri de cœurs des enfants du Sénégal contre les mariages d’enfants

Mardi 1 août 2017 - 14:51

« Je m’appelle Fatou Bintou, j’ai 17 ans et je suis ici aujourd’hui pour porter la voix et le cri de cœur de tous les enfants du Sénégal».

Le mariage des enfants constitue une violation fondamentale des droits des enfants, risquant leur vie et santé et compromettant ainsi leur avenir et leur bien-être. 26.4% des filles de moins de 18 ans ont déjà contracté une grossesse. La prévalence est même plus élevée dans certaines régions comme Kolda (68%), Tambacounda (57%), Matam (56%), et Louga (47%). Le phénomène est plus accentué en milieu rural (49.3%) qu’en milieu urbain (16.9%) et plus courant dans les ménages pauvres. Une étude menée par World Vision en 2014/2015 dans ses zones d’interventions démontre le pourcentage de filles qui étaient mariées avant l’âge de 16 ans dans les régions suivantes: Fatick 10.2%, Kaffrine 26.5%, Kolda 37.9%, Kédougou 19.2%.

Dans une étude attitudinale menée par le Ministère de la Famille au Sénégal en 2017, 46% des répondants ont déclaré que, selon eux, la jeune fille peut être donnée en mariage à partir de 18 ans, 40% ont affirmé qu’elle peut être donnée en mariage entre 14 et 17 ans, et 7% avant

14 ans.

« Je suis ici aujourd’hui pour porter la voix et le cri de cœur de tous les enfants du Sénégal, de l’Afrique et du monde entier, parce que nous, les filles, avons notre voix dans le combat qui vise à éradiquer la violence faite aux enfants.

En ce sens, les enfants, partout dans le monde sont de plus en plus exposés à toutes formes de maltraitance qui peuvent les affecter gravement dans le futur. C’est pourquoi, de par mes connaissances, je vais vous parler de la violence contre les enfants dans mon pays, le Sénégal et plus particulièrement, je vais me focaliser sur le mariage précoce. J’ai remarqué que cela fait partie des cas de violences les plus fréquents dans nos communautés.

Au Sénégal, les violences contre les enfants sont nombreuses et variées. On note la mendicité surtout avec les talibés, (les enfants qui étudient dans les écoles coraniques) les viols, les incestes, les excisions souvent cachés, le non enregistrement des enfants à la naissance dû à la négligence des parents, et la pire forme de travail des enfants surtout dans les mines de Kédougou.

La prise en charge des enfants victimes de violence pose souvent problème au Sénégal. 82% des cas de violence récentes sont des viols et 18% des cas d’inceste. La plupart de ces victimes continuent de souffrir à cause de la faible prise en charge médicale, scolaire et juridique » témoigne Fatou.

Par ailleurs, au Sénégal, le mariage des enfants est devenu un phénomène très répandu. Chaque année, des millions des fillettes sont données en mariage et cela parfois même avant d’avoir atteint l’âge de 15 ans. Près d’une fille sur trois est mariée avant ses 18 ans et ont déjà eu des grossesses. Ainsi le Sénégal a un taux de prévalence national de 33%.

Le phénomène est plus accentué en milieu rural qu’en milieu urbain et plus courant dans les familles pauvres. Au Sénégal, il y a bien des dispositifs juridiques pour sanctionner les auteurs des violences faites aux enfants, malheureusement l’application fait défaut.

Les filles mariées précocement sont exposées aux violences, aux mauvais traitements ainsi qu’aux grossesses risquées. Au Sénégal, la mortalité des jeunes mères de moins de 20 ans et de leurs bébés, est très élevée. Les filles mariées abandonnent souvent l’école dès qu’elles tombent enceintes. Une situation que Fatou connait bien car ayant des fréquentes des camarades dans de pareilles situation.

« Une fille de ma communauté, âgée de 13 ans en classe de CM2 a eu l’occasion lors d’une campagne de sensibilisation de lancer un cri de cœur sur les mariages forcés en disant « non au mariage d’enfants,…. ». Alors qu’au même moment son père était entrain de la donner en mariage. 3 mois plus tard, elle tombe enceinte et est décédée suite à un avortement d’une grossesse de 3 mois.

Une de mes camarades, âgée de 16 ans a été donnée en mariage par son grand-père, car il pensait la protéger des grossesses hors mariage. Elle s’est révoltée, mais toute sa famille l’a abandonnée. Etant malheureuse, elle finit par accepter le mariage et vit aujourd’hui les pires formes de maltraitances venant de son mari » affirme Fatou.

Pour mettre fin, à ces abus, dans sa communauté, Fatou s’active avec le comité local de protection des enfants appelé CLPE, et le CAVE au niveau des villages. Elle sensibilise aussi ses camarades, les adultes et les autorités sur les différents abus contre les enfants. « Je suis également pair éducatrice, ce qui veut dire que j’ai été formé pour sensibiliser mes camarades sur différents thèmes comme le lavage des mains, l’hygiène du corps, et le mariage d'enfants ».

La violence faite aux enfants est intolérable, donc certaines solutions ou recommandations peuvent être trouvées pour lutter contre cette violence. Cependant, cette lutte nécessite l’engagement de tous. Comme le disait Ban Ki Moon : « Ne restez pas silencieux, lorsque vous êtes témoins de violence à l’égard des filles, ne restez pas sans rien faire, agissez !»