L’histoire de Boubacar

Jeudi 26 avril 2018 - 12:39

Une journée quotidienne, dans un village sénégalais isolé, un adolescent fait ses valises et se rend à l’école. On dirait tout comme d’habitude. Mais rien de tout cela pour ce gars féru de football, toujours souriant et sympathique qui, pendant les neuf premières années de sa vie, était complètement aveugle et qui, par conséquent, pensait qu’il était maudit. Faites la connaissance de Boubacar.

Boubacar avec ses parents Fatoumata et Kelu

Pendant que le soleil se couchait l’après-midi d’un mardi ordinaire, il y a 14 ans, une femme lourdement enceinte appelée Fatoumata s’est arrêtée dans la brousse et a donné naissance à un garçon, toute seule. Elle était entourée de déchets et d’excréments d’animaux, mais en se souvenant elle dit simplement que son coeur était « plein de joie ».

Une fois qu’il est né, elle l’a enveloppé dans ses vêtements et a repris le chemin de la maison sous la couverture de l’obscurité. Même si Fatoumata avait été à la maison lors du début du travail, elle aurait accouché sur le sol poussiéreux de sa hutte de boue et de paillote, et sans une paire de ciseaux propre pour couper le cordon ombilical parce que dans son village, à ce moment-là, il n’y avait pas de clinique, d’infirmière ou de médecin pour l’aider.

« Quand il a commencé à marcher, il ne pouvait rien voir devant lui. Je l’ai comparé aux autres enfants et... c’est le moment où j’ai su qu’il avait un problème avec ses yeux », explique Fatoumata, 40 ans. « Nous avons prié Dieu parce que nous n’avions aucun moyen d’y faire face. Dans la famille, tout le monde était triste pour lui. J’étais anxieuse et je m’inquiétais toujours de ce que la vie lui réservait ».

Il a fallu de nombreuses consultations avant que les médecins se mettent d’accord pour affirmer que Boubacar avait une chance de correction ; qu’il pourra un jour ouvrir les yeux et voir le monde dans toute sa couleur et sa beauté. Le problème ? Il souffrait de graves cataractes résultant probablement d’un mauvais assainissement ou de la malnutrition de sa mère lorsqu’il était encore dans le ventre de sa mère.. L’Organisation mondiale de la santé estime que 90% des personnes souffrant de déficiences visuelles graves vivent dans les pays en développement, la malnutrition ou le trachome étant les principales causes. Avant l’opération, Boubacar a déclaré : “Si jamais je parviens à voir la lumière du jour, moi aussi j’irai à l’école et découvrirai la merveille de ce que les enfants comme moi aiment faire ... et voir chaque jour.”

Avec Tamba Niabaly, animateur de développement communautaire de World Vision

« Il avait tous les problèmes imaginables dans le monde », explique Tamba Niabaly, le facilitateur du développement communautaire dans le village de Boubacar, qui a été nommé par le chef du village comme le relais entre la communauté et World Vision lors du démarrage du partenariat. « Ce jour-là [de la chirurgie] ... les larmes coulaient. Il a dit : « Je vois vraiment », et j’ai dit : « Que peux-tu voir ? Il a dit, « vous portez un boubou bleu. » En effet il avait raison. J’étais vraiment tellement ému... Parce qu’on avait sauvé un enfant qui était presque perdu. » Son père Kelu ajoute : « Ce jour a été le plus mémorable de ma vie. Ses yeux étaient enfin ouverts. »

Boubacar est l’un des 91 enfants parrainés dans ce village lointain du Sénégal, appartenant pour la plupart à une des populations minoritaires. Depuis le démarrage du partenariat avec World Vision, le taux de malnutrition chez  les enfants est passé de 39% à 0,2%, le nombre d'enfants souffrant de diarrhée est passé de 28% à 2,7% et le taux de scolarisation a bondi de 65% à 100%. Il y a une école, une poste de santé, un moulin à mil, un groupe d’épargne pour les femmes, un club de lecture pour enfants et bien plus encore. Un certain nombre d’enfants très vulnérables comme Boubacar ont reçu des soins individuels, y compris certains qui souffraient de paralysie des pieds et sont désormais capables de marcher. Mais la vie d’avant était très différente - la communauté était isolée, sans eau potable et il y avait une absence totale de structures de santé.

« Nous n’avons qu’à parcourir cette communauté pour voir qu’il y a maintenant beaucoup d’enfants, ce que nous n’avions pas l’habitude de voir lorsque nous sommes arrivés au début du programme », explique Crepin Louhoungrou, responsable du programme zonal de World Vision.

« Quand je constate les nombreux enfants qui vont à l’école, les familles, surtout les femmes qui travaillent au moulin à mil qui a vraiment allégé leur charge de travail, quand je vois l’énergie et le dynamisme qu’elles apportent à nos groupes d’épargne, par exemple et j’entends leurs témoignages, non seulement cela me réchauffe le coeur, mais cela prouve aussi combien les parrains, qui sont les partenaires des enfants, le gouvernement qui est aussi notre partenaire et nous-mêmes, World Vision, rendons tous service à cette communauté, » dit Crepin.

« Quand on voit la façon dont la vie de Boubacar a été transformée, grâce à son parrain, et au programme de parrainage... cela me rappelle que l’ensemble de ces réalisations a permis que toute la communauté en bénéficie. Le parrainage d’enfants est la chose qui nous ouvre la porte pour que nous puissions faire des merveilles afin de créer une vie meilleure pour les enfants », remarque Crépin quant à l’approche unique de World Vision : - soutenir les enfants dans la communauté et s’attaquer simultanément aux causes profondes de la pauvreté afin que tous les enfants puissent en bénéficier.

« Notre coeur est pour les enfants et nous sommes ici pour démontrer l’amour de Dieu pour eux dans cette communauté », a déclaré Diegane Ndiaye, Directeur des Opérations de World Vision Sénégal. « C’est notre foi dans l’action. Pour un enfant comme Boubacar, penser à son parrain vivant à des kilomètres de lui le soutenant pour que son espoir soit restauré et qu’il puisse rêver, or il s’agit forcément de l’amour, parce que ce n’est pas quelque chose que tu vois tous les jours. »

Cherchant de l’ombre du chaud soleil de midi, Fatoumata prend la main de son mari Kelu et remercie Dieu pour Boubacar et pour son parrain Glen, du Canada. « Aujourd’hui, il y a des progrès », dit-elle. « Il y a de l’eau de bonne qualité. Nous avons la poste pour nous aider. Nous avons des enseignants à l’école. En ce moment, » dit-elle en indiquant la piste poussiéreuse, « Boubacar est à l’école. Les mots me manquent pour exprimer ma gratitude. Quand je pense à toutes les bonnes choses qui se sont passées ici, je suis reconnaissante. Je garde l’espoir, parce que les enfants sont à l’école et demain ils pourraient réussir dans la vie. » Quant à son précieux fils, elle ajoute : « Aujourd’hui, il mène une vie épanouie et un grand fardeau nous a été enlevé. Nous pouvons oser espérer et croire en l’avenir qui l’attend. »

Photographie: Jeff Arnold

Texte: Mell Carswell