RD Congo: "On ne peut pas sauver tout le monde, mais on peut changer un destin"
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Par Tatiana Ballay, Communications Officer
La souffrance d’un enfant de la rue
Je m’appelle Samuel, j’ai 13 ans, et j’ai vécu l’horreur. Pas dans un livre, ni dans un film, mais dans ma propre vie. J’ai connu la faim, la peur et l’abandon. J’ai dormi sous des porches, fouillé des restes de nourriture, prié pour qu’un adulte ne me fasse pas de mal. Ce que j’ai vécu, personne ne devrait jamais le connaître.
Mais aujourd’hui, ma vie a changé. Aujourd’hui, je vais à l’école. Aujourd’hui, je dors dans un vrai lit. Aujourd’hui, j’ai une famille. Mais avant cela, j’étais un enfant perdu, un enfant de la rue.
Là où tout a commencé : Le rêve brisé
Je n'ai que de vagues souvenirs de ma mère. À 5 ans, mon oncle m’a pris sous son aile et m’a emmené vivre avec lui en ville, dans l’espoir de m’offrir une vie meilleure. Pendant des années, j'ai cru que ce rêve allait devenir réalité. Mais tout a basculé quand mon oncle s’est marié.
Au début, sa femme m’a accueilli. Mais peu à peu, elle a commencé à me traiter comme un fardeau. Quand mon oncle est parti tenter sa chance ailleurs, le masque est tombé. Elle ne me parlait plus que pour m’insulter, me refusait la nourriture qu’elle préparait, et même l'eau qu’elle me faisait aller chercher.
Elle m’a dit un jour, sans pitié : "Dégage de chez moi. Tu n’es qu’un vagabond."
C’est ainsi que j’ai commencé à errer dans les rues, seul.
Trois mois de survie : L’invisible souffrance d’un enfant oublié
J’ai tenté d’aller chez ma tante maternelle, mais elle non plus n’avait pas les moyens de m’aider. Alors, j’ai vécu dans la rue. Trois mois. Trois mois à lutter contre la faim, à chercher un peu de réconfort dans les cours d’églises où je m'endormais, espérant qu’un peu de sécurité m’y trouverait. Trois mois à voir des enfants de mon âge aller à l’école, pendant que moi, je cherchais à survivre.
"Le pire n’était pas la faim, mais l’oubli. C’est comme si j’avais cessé d’exister."
Et puis, un jour, une lumière est apparue dans ma vie.
La rencontre qui a tout changé : Un regard qui sauve
Ce jour-là, je m’étais assis devant un petit marché. Je n’attendais plus rien, n’espérais plus rien. Et c’est à ce moment-là que Maman Rachel m’a vu. Elle savait ce que j’avais vécu. Doucement, elle s’est approchée et m’a dit : "Samuel, tu as besoin d’aide ?"
J’ai voulu lui dire non. Je me suis méfié. Trop de promesses brisées m’avaient fait perdre toute confiance. Mais cette fois, quelque chose était différent. Derrière elle, il y avait son mari, le Pasteur David, qui m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit :
"Tu n’es pas un vagabond. Tu es un enfant de Dieu. Et un enfant de Dieu mérite d’être protégé."
Ils m’ont tendu la main.
Pourquoi eux ? : La force d’une formation transformante
Maman Rachel et le Pasteur David avaient compris quelque chose que beaucoup d’adultes ignorent : ils savaient qu’un enfant, quel qu’il soit, mérite d’être protégé et aimé. Ils avaient suivi une formation spéciale dans le cadre de l’implémentation de l’approche Channel of Hope for Child Protection, une initiative de World Vision.
Le Pasteur David m’a expliqué un jour : "Quand j’ai suivi cette formation, j’ai compris que protéger un enfant, ce n’est pas seulement un devoir moral, c’est un acte de foi. Comment peut-on prêcher l’amour de Dieu et ignorer la souffrance des plus petits ?"
Et sa femme, Maman Rachel, a ajouté :
"Nous avions toujours voulu aider, mais avant CoH, nous ne savions pas comment. Cette formation nous a ouvert les yeux. Elle nous a appris à voir les enfants comme Dieu les voit : précieux, dignes d’amour et de protection."
Grâce à cette formation, ils savaient comment repérer un enfant en danger, lui offrir un cadre stable, et mobiliser leur communauté pour protéger les enfants.
Une seconde chance : Recommencer à vivre
Les premiers jours passés chez eux ont été remplis de peur. Peur d’être rejeté, peur d’être de trop. Mais chaque matin, Maman Rachel me disait : "Tu es chez toi ici."
Chaque soir, le Pasteur David priait pour moi : "Samuel, Dieu ne t’a jamais abandonné. Nous non plus."
Petit à petit, j'ai recommencé à espérer. Petit à petit, j’ai recommencé à vivre. Aujourd’hui, je vais à l’école. Je dors dans un vrai lit. J’ai une famille.
Un message pour ceux qui lisent mon histoire : Le pouvoir d'un regard
J’étais l’un de ces enfants qu’on oublie, qu’on apprend à ne plus voir dans la rue. Mais une personne m’a vu.
"On ne peut pas sauver tout le monde, mais on peut changer un destin."
Le Pasteur David et Maman Rachel ont choisi de ne pas détourner les yeux. Et grâce à eux, ma vie a changé.
Tous les noms ont été changés pour protéger l’identité des personnes mentionnées dans cette histoire.